Les chasseurs alpins : soldats-skieurs de la Grande Guerre

  • Vallée de la Doller, prise de l'Alfeld. [légende d'origine]
    • Vallée de la Doller, prise de l'Alfeld. [légende d'origine]
    • Date de fin : 1917-06-02
    • Lieu(x) :
    • Auteur(s) : Castelnau Pierre-Joseph-Paul
    • Origine : Tournassoud, Jean-Baptiste
    • Référence : AUL 544
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    Vallée de la Doller, prise de l'Alfeld. [légende d'origine]
Attention, cette image peut heurter la sensibilité du public
La Schlucht. Revue des skieurs alpins passée par le président Poincaré. [légende d'origine]<br>
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Abainville (Meuse), revue de la Division de chasseurs de Pouydraguin. Le général Pétain remet la croix de la Légion d'honneur au sergent Cathala (6 citations). [légende d'origine]

Troupes d’élite créées pour protéger la frontière des Alpes, les chasseurs alpins combattent sur tous les fronts durant la Première Guerre mondiale, depuis les Vosges jusqu’aux Balkans. Aussi à l’aise à pied que sur skis, les « Diables bleus » s’illustrent lors de batailles décisives et s’inscrivent durablement dans le paysage militaire français.

 

Des chasseurs à pied…

Un ancien chasseur du 12e Alpins à M. le Général Lalande vous offre la photo de mon commandant Nabias défunt. [Signé :] le chasseur Callot ? [légende d'origine]
  • Un ancien chasseur du 12e Alpins à M. le Général Lalande vous offre la photo de mon commandant Nabias défunt. [Signé :] le chasseur Callot ? [légende d'origine]
  • Date de fin : 1918-12-31
  • Lieu(x) : Inconnu
  • Auteur(s) : Inconnu
  • Origine : Lalande, Pierre, André, Yves
  • Référence : D0311-012-001-0021
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En 1837, Ferdinand-Philippe, duc d’Orléans, est chargé par son père, le roi Louis-Philippe Ier, de créer une troupe pour expérimenter la carabine Delvigne-Pontcharra, un fusil à canon rayé prometteur. Il fonde la Compagnie de chasseurs d'essai, dotée d’un matériel plus léger que l’infanterie classique, ce qui lui permet d’avoir une grande mobilité. L’année suivante, la compagnie devient le « bataillon provisoire de chasseurs à pied » avant d’être envoyé en Algérie où il fait la démonstration de son efficacité. Puisque ce nouveau modèle de troupe a fait ses preuves, les responsables militaires décident de pérenniser l’expérience. Dix bataillons de chasseurs à pied sont créés au camp d’Helfaut dans le Pas-de-Calais, le 28 septembre 1840. Leur nombre passe à vingt en 1853 puis à trente-et-un en 1871. Ils s’illustrent partout où l’armée française est engagée, du Maghreb (batailles d’Isly et de Sidi-Brahim en 1844 et 1845) à l’Extrême-Orient, en passant par la Crimée (Sébastopol, 1854-55).

 

En 1859, la France, qui a signé un accord secret avec le gouvernement piémontais, envoie des troupes pour soutenir le Royaume de Sardaigne face à l’armée autrichienne. Les chasseurs à pied français sont mobilisés. Ils participent notamment à la bataille de Solferino, point d’orgue de la campagne d’Italie, qui se solde par la victoire de l’armée franco-sarde. Le succès est double pour Napoléon III qui, d’une part, inflige une défaite à l’empire austro-hongrois, l’un de ses principaux rivaux, et, d’autre part, se voit céder la Savoie et le comté de Nice lors du Traité de Turin, le 24 mars 1860. Mais cette victoire n’est pas sans implication géopolitique pour la France…

 

…aux chasseurs alpins

Gérardmer, Vosges, skieurs en marche. [légende d'origine]
  • Gérardmer, Vosges, skieurs en marche. [légende d'origine]
  • Date de fin : 1918-03-09
  • Lieu(x) :
  • Auteur(s) : Alaux Gustave Louis Michel
  • Origine : SPA/SPCA
  • Référence : SPA 30 IS 1203
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A Gérardmer, des chasseurs alpins en ski escaladent la montagne.

Animé par les aspirations nationalistes qui traversent l’Europe en cette seconde moitié de XIXe siècle, le royaume d’Italie poursuit son unification et gagne en puissance au fil des années. La France reste prudente face à l’expansion territoriale de sa voisine et au poids politique grandissant qu’elle prend sur la scène européenne. Dès les années 1870, plusieurs personnalités militaires et politiques françaises s’inquiètent de la création des chasseurs alpins (Cacciatori delle Alpi) italiens (chasseurs des Alpes) en 1872. Le député Ernest Cézanne, cofondateur du Club alpin français (CAF), milite pour que des soldats aguerris soient détachés dans les Alpes afin de protéger la frontière. Mais, quelques années seulement après la défaite contre la Prusse, la montée en puissance de l’Italie n’apparaît pas comme une priorité pour l’état-major français. Malgré l’inaction de la part des autorités, certains responsables militaires prennent les devants et s’organisent progressivement. Mené par le lieutenant-colonel Zédé, le 12e bataillon de chasseurs est le premier à s’entraîner en montagne.

 

Les craintes de la France se précisent en 1882 lorsque l’Italie décide de s’allier à l’empire germanique et à la monarchie austro-hongroise au sein de la Triplice. Afin de prévenir toute tentative d’invasion, la République française doit mettre sur pied une armée capable de défendre la zone frontalière avec l’Italie. S’inspirant de l’armée italienne, elle décide de se doter de troupes d’élite capables d’évoluer en zone montagneuse. Créés le 24 décembre 1888, les « bataillons alpins de chasseurs à pied » sont constituées grâce à douze des trente-et-un bataillons de chasseurs à pied existants. Malgré leur nouvelle dénomination, les chasseurs à pied continuent d’intervenir bien au-delà des Alpes, du Maghreb (Maroc) à l’Asie en passant par l’Afrique (Madagascar).

 

Parallèlement à la création des chasseurs alpins français se développe en Europe une pratique originaire de Scandinavie et d’Asie centrale : le ski. Le premier Français à essayer ces longues planches de bois permettant de glisser sur la neige, aperçues à l’Exposition universelle de 1878, est l’alpiniste Henri Duhamel. Il faut attendre quelques années avant que le ski ne commence à se répandre, la technique n’étant pas encore parfaitement au point. Une fois encore en avance sur les Français, les chasseurs italiens utilisent les skis à parti du milieu des années 1890.

 

Il faut attendre 1900 pour que l’armée française se décide également à adopter cette pratique. Prenant conscience du potentiel offert par ce nouveau moyen de transport, le ministère de la Guerre ouvre la première école de ski normale à Briançon en 1903. Les premiers soldats skieurs français sont formés par des instructeurs scandinaves, qui pratiquent le ski depuis plus longtemps. Les chutes sont monnaie-courante, d’autant que le matériel n’est pas toujours adapté, mais les soldats acquièrent progressivement une maîtrise de ce sport encore inconnu du grand public.

 

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À lire ensuite : La « Force noire » : les tirailleurs sénégalais dans la Grande Guerre

 

Des « Diables bleus » sur tous les fronts

Vosges, skieurs alpins, tireurs couchés. [légende d’origine]
  • Vosges, skieurs alpins, tireurs couchés. [légende d’origine]
  • Date de fin : 1916-02-28
  • Lieu(x) :
  • Auteur(s) : Queste Paul
  • Origine : SPA/SPCA
  • Référence : SPA 31 B 2190
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Les chasseurs alpins sont mobilisés à partir d’août 1914 pour défendre le territoire national. Ils sont rapidement envoyés au front dans la partie nord et est du pays, la frontière alpine n’étant pas menacée par les armées allemande et austro-hongroise. Les premières semaines sont particulièrement meurtrières pour les troupes alpines, comme pour l’ensemble des régiments français engagés. Pour soutenir l’effort de guerre et pouvoir tenir la cadence des combats, plusieurs unités sont créées : des bataillons de réserve, des bataillons territoriaux et des compagnies de skieurs. Les troupes de montagne prennent leur nom définitif de « bataillons de chasseurs alpins » (BCA) en 1916.

 

Déployés en différents points du front, les chasseurs alpins s’illustrent notamment dans les Vosges, aux portes de l’Alsace occupée. Leur expérience de la montagne est primordiale dans cet environnement hostile qui se caractérise par des conditions de vie extrêmes (les températures peuvent descendre jusqu’à - 15°). Ils sont aidés au quotidien par des mules qui transportent le matériel, notamment des canons de 65 mm, aucun véhicule ne pouvant circuler dans la montagne en raison du relief et de la neige.

 

Une course contre la montre s’engage avec l’Allemagne pour prendre possession des sommets du massif, endroits stratégiques qui permettent d’observer les environs. Déterminés et persévérants, les chasseurs alpins se font surnommer les « Diables bleus » (Schwarze Teufel) par les Allemands, en référence à l’uniforme bleu des chasseurs à pied – ils adopteront plus tard une combinaison blanche pour ne pas être repérés dans la neige. Les pertes sont malgré tout élevées pour les troupes de montagne, épuisées par de longs et acharnés combats. Certaines batailles s’avèrent particulièrement meurtrières. Les 7e et 47e BCA perdent 1 500 hommes sur le « Vieil-Armand » (massif du Hartmannswillerkopf) entre le 7 et le 9 janvier 1916, à tel point que le lieu est renommé la « Montagne de la Mort » ou bien encore la falaise « Mangeuse d’hommes ».

 

Loin d’être cantonnés à la montagne, les chasseurs alpins sont envoyés partout où l’armée française a besoin d’hommes. Certains d’entre -eux rejoignent le front oriental depuis l'île de Corfou à partir de 1916 où ils combattent aux côtés de soldats serbes. D’autres sont dépêchés en Italie à l’automne 1917 lorsque le pays, allié de la Triple-Entente depuis 1915, se trouve en difficulté face à l’armée austro-hongroise. Leur périple les mène dans les pas glorieux de leurs aînés, à Arcole, haut-lieu de la première campagne d’Italie, et Solferino, où s’illustrèrent les ancêtres des chasseurs alpins en 1859. Ils en profitent pour se recueillir à l’ossuaire qui abrite les corps des 7 000 soldats français qui trouvèrent la mort là-bas quelques décennies auparavant.

 

Vallée de la Doller, prise de l'Alfeld. [légende d'origine]
  • Vallée de la Doller, prise de l'Alfeld. [légende d'origine]
  • Date de fin : 1917-06-02
  • Lieu(x) :
  • Auteur(s) : Castelnau Pierre-Joseph-Paul
  • Origine : Tournassoud, Jean-Baptiste
  • Référence : AUL 544
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Depuis le sommet de l'Alfeld, deux fantassins devant la vallée de la Doller et le lac d’Alfeld, lac de barrage situé sur le versant oriental du Ballon d'Alsa...

Récompensés par de nombreuses décorations pendant le conflit, les chasseurs alpins sont reconnus à leur juste valeur. Albert Roche, membre du 27e BCA pendant la quasi-totalité du conflit, obtient le titre de soldat français le plus décoré de la Première Guerre mondiale, ce qui lui vaut d’être surnommé « le Premier soldat de France » par le maréchal Foch en personne. Au-delà des récompenses et des honneurs militaires, les chasseurs alpins ont acquis une certaine visibilité auprès du grand public, qui les reconnaît facilement grâce à leur béret bleu surnommé la « tarte ». Ils ont contribué à faire connaître le ski dans la société civile, quelques années avant les premiers Jeux olympiques d’hiver qui se tiennent à Chamonix Mont-Blanc en 1924, et bien avant la démocratisation des stations de ski.

 

Pour aller plus loin

De nombreuses autres photographies de chasseurs alpins français sont disponibles sur ImagesDéfense.

 

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