reportage

Cycle et débats Pierre Schoendoerffer, une image de l'Indochine, du 22 au 24 avril 2003 au Musée de l'Armée.

Photographe(s) : Eric Le Pichon


Le cycle Pierre Schoendoerffer, une image de l'Indochine, organisé du 22 au 24 avril 2003 en partenariat entre le Musée de l'Armée et l'ECPAD et dédié à l'œuvre du réalisateur Schoendoerffer a permis en trois jours de réfléchir à la responsabilité des reporters de guerre, et de ceux qui utilisent leurs images.
Les témoignages poignants et les réflexions des spécialistes ont mis en avant la force de l'œuvre du cinéaste. Son talent au service d'une représentation sensible de la guerre d'Indochine a contribué à façonner grandement l'image de ce conflit dans la mémoire collective des Français.
Dépassant le journalisme, les images de Schoendoerffer ont la dimension d'une œuvre de premier ordre dont la portée surpasse largement le conflit dans lequel il s'inscrit.

La première journée du cycle hommage à l'œuvre de Pierre Schoendoerffer s'est déroulée mardi 22 avril 2003. Suite à l'allocution de bienvenue du général Devaux, directeur du Musée de l'Armée et au discours du Contrôleur des armées Tennéroni, directeur de l'ECPAD, Pierre Schoendoerffer a livré au public les raisons de son engagement au SCA (Service Cinématographique des Armées), et le bouleversement que fut pour lui sa participation (en tant que caporal chef) à la guerre d'Indochine : " Je voulais absolument devenir réalisateur, et je pensais rester peu de temps dans l'armée, juste le temps de faire mes preuves. Ce que j'ai découvert en Indochine m'a transformé. "
Cette passion du cinéma transparaît dans la voix du réalisateur quand il commente ses rushes tournés à l'époque, ou lorsqu'il répond au Chef de Bataillon Burin des Roziers (réalisateur) et au caporal Salmon (opérateur de prise de vue) venus témoigner du quotidien de leur action à l'ECPAD aujourd'hui.
Cet échange entre reporters de guerre de 3 générations différentes permet de dessiner les grandes lignes de ce qui compose l'essence de leur métier : les matériels ont évolué et les images sont beaucoup plus nombreuses aujourd'hui, mais reste la nécessité du regard du reporter, ce regard qui seul permet de traduire l'émotion et l'intensité de l'action.
C'est ainsi que Pierre Schoendoerffer justifie son oeuvre : " Le fait d'avoir survécu alors que tant de mes frères d'armes y sont restés a fait de moi un débiteur ". Et sa carrière servira alors à " payer cette dette ". Le réalisateur usera de son talent pour éclairer ce conflit lointain mal compris de la population française métropolitaine, comme le rappelle l'historien Hugues Tertrais . Alain Ruscio rappelle la logique qui mènera finalement à la défaite des forces armées françaises.
La première journée du cycle s'achève sur une projection de la "317e section", à la suite de laquelle Pierre Schoendoerffer répond aux questions du public.
Le 23 avril 2003, la deuxième journée du cycle Pierre Schoendoerffer, une image de l'Indochine, consacré à l'œuvre de Pierre Schoendoerffer au Musée de l'Armée, a débuté par la projection des rushes sur " l'Opération avec le Roi du Cambodge ". Ce film a servi de base à une réflexion sur les paradoxes du film militaire : entre image d'actualité et propagande, réflexion étayée par la projection du reportage de Patrick Barbéris sur le réalisateur soviétique Roman Karmen.
" Le reporter de guerre est un conteur d'histoire, résume Patrick Barbéris, il fabrique des signes compréhensibles sur un événement ". Pierre Vallaud (Historien spécialiste du XXème siècle, directeur du CERS (Centre d'Etude et de Recherche Stratégique) à l'université Saint-Joseph de Beyrouth, souligne ainsi la position de l'historien obligé de prendre du recul par rapport aux images. Cette opinion est partagée par Jean-Dominique Merchet, journaliste à Libération, qui se trouve confronté quotidiennement à ce redoutable dilemme entre la dictature de l'image audiovisuelle et la nécessité pour le journaliste d'exploiter ces images pour attester de la réalité des événements. L'intervention remarquée de Raoul Coutard (photographe et reporter, ayant fait partie des précurseurs de la Nouvelle Vague) étaie les débats, attestant que ses images lors du conflit indochinois ont été utilisées de différentes façons en fonction du commandement.
L'exposé du directeur de l'ECPAD Jean Tennéroni confirme qu'au sein même des forces armées, l'utilisation de l'image et le rôle de l'établissement dont il est directeur ont évolué à travers le temps.
L'après-midi sera consacré à la projection du film Dien Bien Phu, et au dialogue entre le réalisateur et le public venu en nombre.
Le 24 avril 2003 a lieu la 3e journée du cycle. Quelle a été la représentation du conflit indochinois dans les cinémas américains et français ? La réflexion menée le troisième et dernier jour du cycle dédié au réalisateur Schoendoerffer a permis de mettre en avant un paradoxe français : alors que la guerre d'Indochine est abordée dans une trentaine de longs métrages de fiction depuis 1957, elle n'apparaît la plupart du temps qu'en filigrane (Laurence Voix, historienne).
Patrick Brion (spécialiste du cinéma américain, responsable de la sélection de la programmation des films sur France 3 et notamment du Cinéma de Minuit) souligne la différence d'approche du cinéma américain, qui s'attache beaucoup plus aux guerres du XXe siècle. Pour justifier cette différence de traitement, Patrick Brion avance une explication : l'appréhension distincte des événements historiques entre les deux nations. Alors que les Etats Unis d'Amérique, nation jeune, portent un intérêt supérieur à l'histoire récente, la France adopte une attitude plus distanciée dans son traitement des conflits militaires, souvent sur le mode humoristique.
La section Anderson (projetée en fin de matinée) présente la vision très réaliste de Pierre Schoendoerffer sur la guerre du Viêt-Nam en 1966.
L'après-midi a été consacré à la projection des rushes Opération Camargue et du film Le Crabe Tambour à l'issue duquel le public a pu entamer le dialogue avec le réalisateur. Le cycle s'est ensuite achevé par un cocktail réunissant les différents intervenants.

Informations techniques

Nombre de clichés 74

Propriétés

Référence N2003-112
Date de début 22/04/2003
Date de fin 24/04/2003
Date de prise de vue 23/04/2003
Photographe(s) Eric Le Pichon -
Date 23/04/2003
Lieu(x) Hôtel National des Invalides - Paris -
Personnes représentées Schoendoerffer, Pierre - Devaux, Bernard - Tenneroni, Jean - Burin des Roziers, Géraud - Perrin, Jacques - Coutard, Raoul