VIDÉO
Les enfants de France pendant la guerre.
« Les Enfants de France pendant la guerre » constitue un des meilleurs exemples d'œuvres mêlant images de fiction et images réelles puisées dans les ressources documentaires du corpus amassé par la SCA depuis 1915 (1). Après avoir testé le procédé dans « La Puissance militaire de la France » paru l'année précédente, Desfontaines relie ici l'ensemble à l'aide d'un trame narrative beaucoup plus affirmée et dégagée des contraintes qui avaient pu lui être suggérées auparavant : en permission pour la naissance d'un enfant, un soldat offre à sa fille un album sur la vie des enfants pendant la guerre, dont les pages vont s'animer.
Après un carton titre tenté en bleu apparaissant derrière un rideau de feuillage, la petite Micheline, âgée d’à peu près quatre ans, exprime ses préoccupations : un berceau vient d’apparaître dans la maison, et elle attend son père qui doit venir en permission. Celui-ci arrive par l’allée ombragée du jardin et s’ensuit une longue scène d’embrassade. Le lendemain, la fillette esquisse un pas de danse sur une chanson américaine devant son père qui lui offre alors un grand album illustré intitulé « Les enfants de France pendant la guerre » (2). La première page du livre, figurant un paysage dévasté en proie à un incendie, rappelle à Micheline ses souvenirs du début du conflit avec le départ de son père pour le front, les soldats mobilisés défilant dans les rues - première séquence insérée utilisant une archive de la SCA et la tristesse d’une petite amie et de sa mère, toutes deux en deuil. Puis les images du livre s’animent, montrant en incrustation un mutilé de la jambe recevant des fleurs et marchant dans un jardin en compagnie d’enfants ; ce plan sert de transition vers les séquences suivantes, en plein écran et structurées en quatre parties annoncées par les pages colorées de l’album, successivement : La guerre, L'enfant du front, L'enfant de Paris, Quiétude.
Au front, les enfants ont fait du poilu leur meilleur ami, et posent volontiers pour une photo, dans les bras d’un soldat. A la ferme ou au jardin, ils travaillent pour remplacer les absents en binant le potager, en cueillant les fruits et en trayant les vaches. Pleins de dévouement, ils distribuent de la nourriture aux soldats de passage et fleurissent les tombes des disparus. Ils sont à leur tour l’objet de récompenses et reçoivent des jouets des mains d’infirmières. Les visites de personnalités les distraient de leurs souffrances quotidiennes, des alertes au gaz, des blessures et des évacuations. Dans cette première partie les images d'archives abondent et sont parfaitement identifiables dans le stock constitué par la SCA précédemment (1). Obligés de quitter les villes du front soumises aux bombardements, les enfants se retrouvent sur les routes avec leurs familles et les animaux de la ferme. Regroupés à Paris, les œuvres de guerre leur prodiguent des soins. Les petits Parisiens participent aux tâches ménagères en faisant les courses aux halles. Ils aident leurs aînés à dessiner des affiches patriotiques sur l’alimentation et les économies nécessaires en temps de guerre, puis vont au guignol où un Allemand en casque à pointe se fait copieusement rosser. Pour économiser la viande les grands pêchent dans la Seine.
Mais ce qu’ils préfèrent par-dessous tout, c’est jouer à la guerre sur la butte Montmartre avec un armement de canons et de fusils fabriqués avec des tuyaux de poêle, des roues de vélo et des manches à balai (3). Le réalisateur réutilise au passage sur les cartons intertitres le slogan entendu depuis le début du conflit - « Des canons. Des munitions » - repris maintes fois dans la presse et même dans le titre d’une autre production de la section cinématographique datant de 1916 sur l’artillerie. Les filles sont déguisées en infirmières. Les téléphones sont des boîtes de conserve et des casseroles reliées à des ficelles, par lesquels un bambin transmet aux troupes un ordre, écrit dans une orthographe fantaisiste, demandant de « rentrer dans le chou à la concierge du 360 rue de Colincoure (sic) ». Pendant l’attaque qui consiste à jeter une foule d’objets dans la cour de l’immeuble, un plan laisse furtivement apercevoir les badauds assistant au tournage. L'attaque est filmée en une succession de champs contre champs de part et d'autre du mur, les gosses d’un côté et la concierge agitant furieusement un balai de l’autre. Après un repli stratégique, les fillettes pansent les blessés. La nuit venue, pendant que la mère travaille à l’usine, vient la dure réalité : une attaque de Gothas oblige les enfants à s’habiller à la lueur d’une bougie et à descendre (beau plan en plongée sur la cage d’escalier) se réfugier dans le métro. Les jours suivant, un corbillard passe, emportant une victime du bombardement. Un avion allemand est abattu en représailles. Après ces épreuves vient le temps des vacances. Les enfants quittent Paris en autobus ou en train pour des colonies de vacances à la campagne ou au bord de la mer tandis que, dans les pouponnières pour orphelins de guerre, des puéricultrices s’occupent des bébés.
Le livre se referme sur un dépôt de gerbe dans un cimetière militaire, soulignant le fait que, tandis que les petits s’amusent, « leurs aînés apportent aux soldats morts pour la France le témoignage de leur gratitude ».
En guise d’épilogue, Micheline court alors vers la maison où elle découvre deux nouveaux nés qui viennent d’être déposés dans le berceau. (4) (5)
Notes :
Film teinté (sépia, jaune, bleu, vert, rouge).
1+59 cartons bilingues en français et en anglais.
Film n° 697 dans la numérotation d’origine et dans le catalogue « Les films militaires français de la première guerre mondiale », Françoise Lemaire, 1997.
(1) Les scènes de fiction, tournées spécifiquement pour le film, sont l'œuvre des opérateurs Alphonse Gibory et Georges Daret, dont les comptes rendus, bien que non détaillés, figurent dans les archives. Images tournées par Alphonse Gibory : comptes rendus de tournage n° 1440, 1588, 1601, 1602, 1607, 1624, 1637, 1644, 1652, 1658, 1704, 1713, 1720, 1725 (paysage), 1733 (écritures), 1740, 1743. Images tournées par Georges Daret : comptes rendus de tournage n° 1418 (réfugiés), 1440 (enfants des écoles à la gare d’Austerlitz), 1490, 1495, 1500, 1505 (les Halles, la pêche, sortie de l'appartement), 1509 (descente des escaliers), 1514, 1557, 1563 (la guerre des enfants).
Les scènes d'archives servant d'illustration ont été tournées par Georges Daret, Joseph Faivre, Claude Lemoine, Alfred Machin, René Meunier et Alphonse Wéber. Comptes rendus de tournage n°1066, 1067 (jouets), 1130 (Alsaciennes), 79 (école), 47 (civils), 1256 (réfugiés), 1619 (débris avion allemand).
Des rushes de ce film existent sous sept références : 14.18 B 517, 14.18 B 554, 14.18 B 583, 14.18 B 677, 14.18 B 690, 14.18 B 766, 14.18 B 783.
D'après Marie-Françoise Blanchet, ancienne chef du service, il existe des plaques de verre du tournage des "Enfants de France", y compris des plaques stéréoscopiques. Un montage audiovisuel aurait même été réalisé à l'ECPA d'après ces plaques. Documents non retrouvés à ce jour.
(2) Le carton titre du livre mis en abyme (« Les enfants de France pendant la guerre, Paris, Service photographique et cinématographique de guerre [(SPCG)], 1 bis rue de Valois, 1er [arr.] ») (TCI 00 :02 :37) montre que la date de réalisation du film est postérieure au 19 août 1918, moment où le SPCG prend la succession de la Section photographique et cinématographique de l'armée (SPCA).
(3) La séquence intitulée « L’armée des gosses » préfigure de façon étonnante certaines scènes du film réalisé par H. Desfontaines en 1928 « Le film du poilu ». (TCI 00 :16 :29).
(4) Distribution. Une grande séance de projection a lieu en fin d'année au Gaumont Palace, annoncée dans le Figaro du 19 décembre 1918, au cours de laquelle le film est accompagné de deux autres productions sur la guerre : « Le Noël d'Yveline » et « À la gloire du fantassin français », avec musique militaire, chants et un orchestre de 80 exécutants. Source : BnF/Gallica https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2919913/f1.item.zoom
(5) Séquences remarquables. De nombreuses scènes sont teintées en sépia, d'autres en jaune (jardinage) ou en bleu ; les cartons intertitres sont en vert et les couleurs des pages du livre annoncent l'atmosphère du sujet (rouge pour La guerre et L'enfant du front, bleu pour l’Enfant de Paris et Quiétude). Deux séquences méritent plus particulièrement l'attention : le départ du père à la mobilisation, filmé en plongée avec les silhouettes des parents qui se découpent en ombre portée sur le gravier du jardin, tels des personnages déjà lointains ou sur le point de disparaître, laissant l’enfant à sa solitude, toute petite sur l’écran ; l'ensemble est teinté dans un bleu froid et un peu irréel. Un plan étonnant, réalisé apparemment sans truquage, montre les enfants sortant par des lucarnes et marchant sur une toiture, en appui sur la gouttière au-dessus du vide.
Dans le domaine public à partir du 01/01/2002 (auteur décédé en 1931).
Après un carton titre tenté en bleu apparaissant derrière un rideau de feuillage, la petite Micheline, âgée d’à peu près quatre ans, exprime ses préoccupations : un berceau vient d’apparaître dans la maison, et elle attend son père qui doit venir en permission. Celui-ci arrive par l’allée ombragée du jardin et s’ensuit une longue scène d’embrassade. Le lendemain, la fillette esquisse un pas de danse sur une chanson américaine devant son père qui lui offre alors un grand album illustré intitulé « Les enfants de France pendant la guerre » (2). La première page du livre, figurant un paysage dévasté en proie à un incendie, rappelle à Micheline ses souvenirs du début du conflit avec le départ de son père pour le front, les soldats mobilisés défilant dans les rues - première séquence insérée utilisant une archive de la SCA et la tristesse d’une petite amie et de sa mère, toutes deux en deuil. Puis les images du livre s’animent, montrant en incrustation un mutilé de la jambe recevant des fleurs et marchant dans un jardin en compagnie d’enfants ; ce plan sert de transition vers les séquences suivantes, en plein écran et structurées en quatre parties annoncées par les pages colorées de l’album, successivement : La guerre, L'enfant du front, L'enfant de Paris, Quiétude.
Au front, les enfants ont fait du poilu leur meilleur ami, et posent volontiers pour une photo, dans les bras d’un soldat. A la ferme ou au jardin, ils travaillent pour remplacer les absents en binant le potager, en cueillant les fruits et en trayant les vaches. Pleins de dévouement, ils distribuent de la nourriture aux soldats de passage et fleurissent les tombes des disparus. Ils sont à leur tour l’objet de récompenses et reçoivent des jouets des mains d’infirmières. Les visites de personnalités les distraient de leurs souffrances quotidiennes, des alertes au gaz, des blessures et des évacuations. Dans cette première partie les images d'archives abondent et sont parfaitement identifiables dans le stock constitué par la SCA précédemment (1). Obligés de quitter les villes du front soumises aux bombardements, les enfants se retrouvent sur les routes avec leurs familles et les animaux de la ferme. Regroupés à Paris, les œuvres de guerre leur prodiguent des soins. Les petits Parisiens participent aux tâches ménagères en faisant les courses aux halles. Ils aident leurs aînés à dessiner des affiches patriotiques sur l’alimentation et les économies nécessaires en temps de guerre, puis vont au guignol où un Allemand en casque à pointe se fait copieusement rosser. Pour économiser la viande les grands pêchent dans la Seine.
Mais ce qu’ils préfèrent par-dessous tout, c’est jouer à la guerre sur la butte Montmartre avec un armement de canons et de fusils fabriqués avec des tuyaux de poêle, des roues de vélo et des manches à balai (3). Le réalisateur réutilise au passage sur les cartons intertitres le slogan entendu depuis le début du conflit - « Des canons. Des munitions » - repris maintes fois dans la presse et même dans le titre d’une autre production de la section cinématographique datant de 1916 sur l’artillerie. Les filles sont déguisées en infirmières. Les téléphones sont des boîtes de conserve et des casseroles reliées à des ficelles, par lesquels un bambin transmet aux troupes un ordre, écrit dans une orthographe fantaisiste, demandant de « rentrer dans le chou à la concierge du 360 rue de Colincoure (sic) ». Pendant l’attaque qui consiste à jeter une foule d’objets dans la cour de l’immeuble, un plan laisse furtivement apercevoir les badauds assistant au tournage. L'attaque est filmée en une succession de champs contre champs de part et d'autre du mur, les gosses d’un côté et la concierge agitant furieusement un balai de l’autre. Après un repli stratégique, les fillettes pansent les blessés. La nuit venue, pendant que la mère travaille à l’usine, vient la dure réalité : une attaque de Gothas oblige les enfants à s’habiller à la lueur d’une bougie et à descendre (beau plan en plongée sur la cage d’escalier) se réfugier dans le métro. Les jours suivant, un corbillard passe, emportant une victime du bombardement. Un avion allemand est abattu en représailles. Après ces épreuves vient le temps des vacances. Les enfants quittent Paris en autobus ou en train pour des colonies de vacances à la campagne ou au bord de la mer tandis que, dans les pouponnières pour orphelins de guerre, des puéricultrices s’occupent des bébés.
Le livre se referme sur un dépôt de gerbe dans un cimetière militaire, soulignant le fait que, tandis que les petits s’amusent, « leurs aînés apportent aux soldats morts pour la France le témoignage de leur gratitude ».
En guise d’épilogue, Micheline court alors vers la maison où elle découvre deux nouveaux nés qui viennent d’être déposés dans le berceau. (4) (5)
Notes :
Film teinté (sépia, jaune, bleu, vert, rouge).
1+59 cartons bilingues en français et en anglais.
Film n° 697 dans la numérotation d’origine et dans le catalogue « Les films militaires français de la première guerre mondiale », Françoise Lemaire, 1997.
(1) Les scènes de fiction, tournées spécifiquement pour le film, sont l'œuvre des opérateurs Alphonse Gibory et Georges Daret, dont les comptes rendus, bien que non détaillés, figurent dans les archives. Images tournées par Alphonse Gibory : comptes rendus de tournage n° 1440, 1588, 1601, 1602, 1607, 1624, 1637, 1644, 1652, 1658, 1704, 1713, 1720, 1725 (paysage), 1733 (écritures), 1740, 1743. Images tournées par Georges Daret : comptes rendus de tournage n° 1418 (réfugiés), 1440 (enfants des écoles à la gare d’Austerlitz), 1490, 1495, 1500, 1505 (les Halles, la pêche, sortie de l'appartement), 1509 (descente des escaliers), 1514, 1557, 1563 (la guerre des enfants).
Les scènes d'archives servant d'illustration ont été tournées par Georges Daret, Joseph Faivre, Claude Lemoine, Alfred Machin, René Meunier et Alphonse Wéber. Comptes rendus de tournage n°1066, 1067 (jouets), 1130 (Alsaciennes), 79 (école), 47 (civils), 1256 (réfugiés), 1619 (débris avion allemand).
Des rushes de ce film existent sous sept références : 14.18 B 517, 14.18 B 554, 14.18 B 583, 14.18 B 677, 14.18 B 690, 14.18 B 766, 14.18 B 783.
D'après Marie-Françoise Blanchet, ancienne chef du service, il existe des plaques de verre du tournage des "Enfants de France", y compris des plaques stéréoscopiques. Un montage audiovisuel aurait même été réalisé à l'ECPA d'après ces plaques. Documents non retrouvés à ce jour.
(2) Le carton titre du livre mis en abyme (« Les enfants de France pendant la guerre, Paris, Service photographique et cinématographique de guerre [(SPCG)], 1 bis rue de Valois, 1er [arr.] ») (TCI 00 :02 :37) montre que la date de réalisation du film est postérieure au 19 août 1918, moment où le SPCG prend la succession de la Section photographique et cinématographique de l'armée (SPCA).
(3) La séquence intitulée « L’armée des gosses » préfigure de façon étonnante certaines scènes du film réalisé par H. Desfontaines en 1928 « Le film du poilu ». (TCI 00 :16 :29).
(4) Distribution. Une grande séance de projection a lieu en fin d'année au Gaumont Palace, annoncée dans le Figaro du 19 décembre 1918, au cours de laquelle le film est accompagné de deux autres productions sur la guerre : « Le Noël d'Yveline » et « À la gloire du fantassin français », avec musique militaire, chants et un orchestre de 80 exécutants. Source : BnF/Gallica https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2919913/f1.item.zoom
(5) Séquences remarquables. De nombreuses scènes sont teintées en sépia, d'autres en jaune (jardinage) ou en bleu ; les cartons intertitres sont en vert et les couleurs des pages du livre annoncent l'atmosphère du sujet (rouge pour La guerre et L'enfant du front, bleu pour l’Enfant de Paris et Quiétude). Deux séquences méritent plus particulièrement l'attention : le départ du père à la mobilisation, filmé en plongée avec les silhouettes des parents qui se découpent en ombre portée sur le gravier du jardin, tels des personnages déjà lointains ou sur le point de disparaître, laissant l’enfant à sa solitude, toute petite sur l’écran ; l'ensemble est teinté dans un bleu froid et un peu irréel. Un plan étonnant, réalisé apparemment sans truquage, montre les enfants sortant par des lucarnes et marchant sur une toiture, en appui sur la gouttière au-dessus du vide.
Dans le domaine public à partir du 01/01/2002 (auteur décédé en 1931).
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Catégories
Propriétés
Réalisateur | Paul Henri Desfontaines - |
---|---|
Genre | Fiction |
Lieu(x) | Paris - |
Personnes représentées | Clemenceau, Georges |
Informations
Référence | 14.18 B 377 |
---|---|
Durée | 00:33:18 |
Date de début | 19/08/1918 |
Date de fin | 14/09/1918 |
Format d'origine | 35 mm |
Couleur | Teinté |
Typologie | Produit monté |
Origine | SCA/SPCA Section cinématographique de l'armée |
Domaine public | Oui |