Opération Harmattan : la France au secours de la population libyenne
Lorsque l’insurrection populaire éclate en Libye en février 2011, la communauté internationale craint que la population civile ne soit prise pour cible par le colonel Kadhafi. À travers l’opération Harmattan, l’armée française contribue de manière importante à la protection des civils libyens et apporte son soutien aux insurgés, participant ainsi à la chute du dictateur.
Du printemps arabe à la guerre civile libyenne
17 décembre 2010. Des manifestations éclatent en Tunisie. La contestation ne tarde pas à gagner les pays voisins, annonçant ainsi le début du Printemps arabe. La Libye n’est pas épargnée par l’onde de choc et une partie de la population se prend à rêver de liberté et de démocratie. Le colonel Kadhafi, au pouvoir depuis 1969, parvient à contenir la contestation jusqu’au 15 février 2011, date à laquelle l’arrestation de l’avocat et militant des droits de l'homme Fethi Tarbel met le feu aux poudres. Violemment réprimées par les forces de l’ordre, les manifestations tournent rapidement à l’émeute puis à l’insurrection, notamment à Benghazi, ville de la Cyrénaïque située dans l’est du pays. Le 17 février est décrété « journée de la colère » par les opposants de Kadhafi. L’insurrection s’intensifie rapidement, gagnant d’autres villes du pays et aboutissant à la prise de Benghazi par les insurgés le 19 février.
Inquiet pour la sécurité de ses compatriotes, le gouvernement français s’empresse d’organiser l’évacuation de ses ressortissants à Tripoli. L’armée de l’Air est mobilisée pour l’opération. Ce n’est qu’après de délicates tractations avec les autorités locales, qui bloquent l’accès aux appareils français, que peuvent embarquer les premiers passagers, parmi lesquels figurent des Français mais également des diplomates étrangers. Lorsque les deux Airbus décollent de la capitale, quelques heures seulement après leur arrivée, des milliers de personnes attendant d’être évacuées pour fuir la violence endémique qui gagne le pays.
Préoccupée par le sort de la population, la communauté internationale suit la situation de près et réfléchit aux sanctions à adopter. Le 26 février, les membres du Conseil de sécurité des Nations Unies décident d’imposer un embargo sur la vente d'armes, empêchant le gouvernement de Kadhafi d’exporter et d’importer des armes, qui pourraient être utilisées contre la population. Côté libyen, l’insurrection s’organise et aboutit à la création d’un Conseil national de transition (CNT), auquel se rallient d’importantes figures du gouvernement de Kadhafi, dont le ministre de l’Intérieur, Abdel Fatah Younès, et le ministre de la Justice, Mustapha Abdel Jalil. Des voltefaces qui prouvent que le vent est en train de tourner…
Une zone d’exclusion aérienne pour protéger la population civile
Quelques semaines seulement après le début de la guerre civile, les insurgés contrôlent déjà la partie est du pays. Face à l’avancée de l’insurrection, la répression se poursuit également, renforçant les craintes de la communauté internationale. Le 17 mars est votée par le Conseil de sécurité des Nations Unies, à l’instigation de la France, de la Grande-Bretagne et du Liban, la résolution 1973 visant à protéger la population civile contre les attaques aériennes du régime de Kadhafi. Elle ordonne la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne au sein de laquelle seuls les vols humanitaires ou d’évacuation sont autorisés à circuler. Le Conseil de sécurité autorise également les pays coalisés à prendre les « mesures nécessaires » pour remplir leur mission, à savoir l’usage de la force, à l’exclusion d’un déploiement terrestre.
L’opération Harmattan est déclenchée par le président de la République française le jour même du vote de la résolution 1973. L’opération emprunte son nom à un vent qui traverse l’Afrique du centre et de l’Ouest, célèbre pour charrier la poussière de sable du Sahara et réduire la visibilité, obligeant parfois même à interrompre le trafic aérien. L’opération internationale « Unified Protector », à laquelle participent les États-Unis, la France, le Canada, le Danemark, l’Espagne, la Belgique, l’Italie, la Norvège, les Pays-Bas, la Suède, la Grèce, la Bulgarie, la Roumanie, la Turquie, le Qatar, les Émirats arabes unis, la Jordanie et le Koweït est lancée quelques jours plus tard, le 23 mars, sous le commandement de l’OTAN.
Un important dispositif aérien est mis sur pied par la coalition, dont les principales missions consistent à faire respecter l’interdiction aérienne et à mener des frappes pour affaiblir les troupes de Kadhafi. Les trois armées françaises participent à l’opération : l’armée de l’Air fournit des Rafale et des Mirage 2000, l’armée de Terre des hélicoptères de combat et la Marine son porte-avions et des bâtiments d’escorte. Les soldats français sont basés pour la plupart sur la base italienne de Sigonella ou sur celle de la Sude en Crète. Les appareils engagés disposent de technologies dernier cri, dont des systèmes de reconnaissance, des radars et des désignations laser pour mission nocturne. Largement utilisés par l’armée américaine, les drones n’ont en revanche pas encore trouvé leur place dans l’armée française, qui n’en utilise qu’un seul au cours de la campagne militaire.
La mort de Kadhafi fragilise le pays
L’opération devait être brève, quelques semaines tout au plus selon Alain Juppé, alors ministre des Affaires étrangères. Mais la situation s’enlise en mai 2011 : les troupes de Kadhafi résistent aux insurgés, qui essuient plusieurs revers. Des conseillers militaires issus des forces coalisées sont dépêchés sur place pour prêter main forte au Conseil national de transition. Il faut attendre le 23 août pour que la capitale Tripoli soit finalement prise par les insurgés, entraînant la fuite de Kadhafi. S’engage alors une chasse à l’homme de deux mois qui se soldera par la mort du tyran, le 20 octobre 2011, touché par des frappes aériennes de l’OTAN.
Moustafa Abdel Jalil, président du Conseil national de transition (CNT), annonce la « libération » du pays le 23 octobre 2011, trois jours après la mort du dictateur déchu. La mission des coalisés est désormais terminée. Mais la situation est loin d’être stabilisée pour autant. La chute de Kadhafi plonge le pays dans une profonde instabilité politique qui profite aux groupes armés, rendant particulièrement difficile la transition démocratique.
Malgré l’élection d’un Congrès général national en juillet 2012, la situation reste très critique. La violence continue de gangréner la Libye – les attentats se multiplient, prenant notamment pour cibles l’ambassade américaine le 11 septembre 2012 et l’ambassade de France le 23 avril 2013 – tandis que le sud du pays est menacé par des groupes djihadistes. Cette situation explosive aboutit en 2014 à une seconde guerre civile qui vient à nouveau endeuiller la Libye. Dix ans après la chute de Kadhafi, le pays, partagé entre deux gouvernements rivaux, reste profondément fragilisé.
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