Fusiliers marins, entre terre et mer
Créés au milieu du XIXe siècle, les fusiliers marins ont joué un rôle primordial dans les deux conflits mondiaux. Capables d’intervenir aussi bien sur terre qu’en mer, ils ont assuré plusieurs fonctions au fil de leur histoire et ont été décorés à de nombreuses reprises.
Profondément marquée par les cuisantes défaites qu’elle a essuyées face à la Royal Navy au tournant du XIXe siècle (Aboukir en 1798 et Trafalgar en 1805), la Marine française connaît un nouveau souffle sous le règne de Napoléon III. Conscient de l’importance que revêt la maîtrise des mers, notamment celle de la Méditerranée, et souhaitant donner une nouvelle impulsion à la politique coloniale française, l’empereur renouvelle en profondeur la Marine, tant du point de vue matériel que stratégique.
Pour accomplir les nouvelles ambitions impériales, le corps spécialisé de fusilier marin est créé par décret impérial le 5 juin 1856. Cette nouvelle unité est spécialisée dans le combat à terre et non dans le combat marin, comme le laisse entendre son appellation. Le modèle prouvant rapidement son utilité, un deuxième bataillon est créé le 23 février 1861. Les fusiliers marins participent aux campagnes coloniales de la seconde moitié du XIXe siècle ainsi qu’à diverses expéditions, notamment en Chine, en Cochinchine, au Tonkin et à Madagascar.
14-18, le baptême du feu
Il faut attendre la Première Guerre mondiale pour que les fusiliers marins fassent leur entrée héroïque dans l’Histoire. Dans les tout premiers mois du conflit, une brigade de fusiliers marins est envoyée à Paris pour maintenir l’ordre. Les recrues, bretonnes pour la plupart et fraîchement recrutées, n’ont reçu aucune formation militaire et manient à peine les armes. En raison de leur jeune âge et de leur béret à pompon rouge, la population les surnomme les « demoiselles au pompon rouge » ou les « demoiselles de Ronarc’h ».
Face à l’avancée allemande, l’armée doit concentrer toutes ses forces sur le front et décide d’envoyer en octobre les fusiliers marins dans le nord de la France. Sous les ordres de l'amiral Ronarc'h, 6 000 fusiliers marins sont mobilisés à Dixmude en Belgique, aux côtés de 5 000 soldats belges, pour contenir l’offensive allemande. On leur demande de tenir quatre jours. Le combat s’annonce difficile car inégal : en face d’eux se dressent 50 000 soldats allemands. Malgré ce désavantage numérique, les fusiliers marins parviennent à tenir tête à l’ennemi pendant un mois, au prix de nombreuses pertes. L’épisode se termine par l’ouverture des digues et l’inondation de la région afin d’enrayer la progression allemande.
La brigade des fusiliers marins est dissoute à la fin du mois de novembre 1915. Elle est remplacée par le bataillon de fusiliers marins, qui s’illustre dans différentes batailles durant la suite du conflit. Les soldats au pompon rouge combattent à Nieuvpoort de décembre 1915 à mai 1917, dans la Marne au printemps 1916, à Poesele Drie Gratchen de juillet à août 1917, à Le Saint Jansebeck les 26 et 27 octobre 1917, à Hailles du 4 au 14 avril 1918, au Moulin de Laffaux et à l'Ailette en septembre et octobre 1918. Inconnus au début de la guerre, les fusiliers marins ont acquis une certaine renommée à la fin du conflit. Leur unité comptabilise six citations et leur drapeau est décoré de la croix de la Légion d'honneur.
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Des marins « libres »
Retrouvant l’échelle d’une petite compagnie à la fin de la Grande Guerre, les fusiliers marins reprennent leurs missions premières d’encadrement, de formation et d’entraînement dans la Marine. Après avoir passé les années 1920 et 1930 dans l’anonymat, les marins, qui n’ont plus de fusiliers que le nom, sont rappelés sur le devant de la scène pour protéger la patrie lorsqu’éclate la Seconde Guerre mondiale. Les combats sont de courte durée : l’armée française est submergée par l’ennemi en l’espace de trois semaines. Le 10 juin 1940, le maréchal Pétain annonce qu’« il faut cesser le combat » et demande l’armistice.
Refusant de déposer les armes malgré l’armistice, signé le 22 juin à Rethondes, quatre cents fusiliers marins rejoignent le général de Gaulle en Angleterre pour poursuivre le combat. Créé au mois de juillet 1940, le 1er bataillon de fusiliers marins part en Afrique pour rallier les colonies françaises à la cause gaullienne. Incorporés dans différentes unités au gré des besoins, les fusiliers marins combattent au Sénégal (septembre 1940) et en Érythrée (décembre 1940) avant de participer en juin 1941 à la campagne de Syrie au sein de la 1re division légère française libre, pour laquelle ils assurent des missions antiaériennes.
Présents sur tous les fronts, les fusiliers marins sont également mobilisés pour la bataille de Bir Hakeim du 27 mai au 11 juin 1942. Ils remportent avec leurs camarades l’une des premières victoires stratégiques françaises. Fort de nouvelles recrues, le 1er bataillon devient le 1er régiment blindé de fusiliers marins en septembre 1943. Doté de chars en avril 1944, le régiment est prêt à se lancer dans l’aventure de la Libération.
L’unité débarque à Naples le 22 juin 1944 et participe à la bataille du Garigliano. Placés en avant-garde sur différents axes, ils combattent jusqu’à Montefiascone et Radicofani, au nord de Rome. Une fois leur mission accomplie en Italie, les fusiliers marins prennent le large vers la Normandie où ils débarquent dans la nuit du 2 au 3 août, presque un mois après les premiers soldats américains. Ils entrent dans Paris le 24 août et contribuent à libérer la capitale. D’autres participent au Débarquement de Provence à partir du 15 août. Leur périple se poursuit partout où l’ennemi n’a pas encore été délogé : dans les Vosges, en Alsace, à Royan, dans les Alpes et même au-delà du Rhin.
Les fusiliers marins sont nombreux à être récompensés pour leur héroïsme à l’issue du conflit. Cent-quatre-vingt-quinze de leurs membres ont perdu la vie durant la guerre. Le drapeau du 1er régiment de fusiliers marins se voit attribuer la croix de la Libération, la médaille de la Résistance et la croix de guerre. De nombreuses décorations sont également décernées à ses membres à titre individuel.
Des missions qui évoluent avec le temps
Le répit espéré à l’issue de la guerre est de courte durée pour les fusiliers marins. Ils sont appelés dès l’automne 1945 en Indochine où la situation est de plus en plus instable. Ils intègrent le corps expéditionnaire d’Extrême-Orient et deviennent la brigade marine. Ils assurent de nombreuses missions dans le Tonkin et en Cochinchine jusqu’à la fin de la guerre, en 1954.
Puis c’est au tour de l’Algérie d’être secouée par les revendications indépendantistes. Les unités au sein desquelles sont regroupés les fusiliers marins connaissent de nombreuses évolutions au fil du conflit. Créée en avril 1956, la demi-brigade de fusiliers marins (DBFM) est envoyée à l’ouest d’Oran avec pour principale mission de sécuriser la frontière avec le Maroc, par laquelle transitent une grande partie des armes du Front de libération nationale (FLN). Les fusiliers marins parviennent à pacifier la zone qui leur a été confiée en l’espace de trois ans. Une nouvelle unité voit le jour en avril 1959 : le bataillon d’intervention de fusiliers marins. Il est affecté au secteur d’Aïn Sefra puis en Kabylie avant de regagner l’ouest du pays.
Dissoute à l’issue de la guerre, en mars 1962, la demi-brigade de fusiliers marins est remplacée en 1963 par un groupement de fusiliers marins commandos. Ils participent à diverses opérations extérieures dans la seconde moitié du XXe siècle. En 2001, ils sont intégrés à la Force maritime des fusiliers marins et commandos (FORFUSCO).
Les missions des fusiliers marins ont évolué depuis les deux guerres mondiales. Aujourd’hui, lorsqu’ils sont à terre, ils sont chargés de protéger et de défendre les sites de la Marine, depuis les bases navales et aéronavales jusqu’aux sites et activités liées à la dissuasion, en passant par les bâtiments en mission et les navires civils transitant dans des zones à risque. Lorsqu’ils sont à bord d’un porte-avions ou d’une frégate, les fusiliers marins sont responsables de l’organisation interne, de la discipline et de l’entraînement de l’équipage. Répartis dans trois bataillons (BFM) et six compagnies (CFM), ils sont aujourd’hui 1 700 hommes et femmes fusiliers marins à protéger le territoire national.
Maxime Grandgeorge
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