Opération Héraclès : la France en guerre contre le terrorisme
En réponse aux attentats du 11 septembre 2001, les États-Unis interviennent en Afghanistan pour capturer Oussama Ben Laden et renverser le gouvernement taliban. La France prend part au conflit dès le mois d’octobre 2001 à travers l’opération Héraclès, participant notamment à sécuriser la zone de Mazâr-e Charîf, meurtrie par vingt ans de guerres et de chaos politique.
11 septembre 2001 : l’attentat qui bouleverse la planète
11 septembre 2001 : prises pour cible par une attaque terroriste, les deux tours du World Trade Center s’effondrent en plein cœur de Manhattan. Les États-Unis, qui n’avaient jamais connu auparavant d’attaque terroriste d’une telle ampleur sur leur territoire, sont sous le choc, tout comme la communauté internationale. En s’écroulant, les tours jumelles ont emporté avec elles une partie de la grande assurance de l’Amérique. Aux 2 600 victimes de l’attentat s’ajoutent des dommages géopolitiques considérables. Le monde vient d’entrer dans le XXIe siècle, avec fracas, violence et effroi.
Bien qu’abasourdis par ce qui vient de leur arriver, les États-Unis s’empressent d’engager des procédures politiques et diplomatiques afin de punir les responsables de l’attaque. L’identité du cerveau de l’attentat ne fait aucun doute pour eux : il s’agit d’Oussama Ben Laden, chef du groupe islamiste terroriste Al-Qaïda. L’homme est rapidement localisé par les services de renseignement américains : il se trouve en Afghanistan, où les talibans lui offrent leur protection. Il ne reste plus qu’à le mettre hors d’état de nuire. Mais comment ?
Les États-Unis lancent le 13 septembre un ultimatum aux talibans afghans auxquels ils demandent, avec l’appui du Conseil de sécurité des Nations unies, l’extradition d’Oussama Ben Laden. Le 18 septembre, le gouvernement taliban se dit prêt à livrer le chef d‘Al-Qaïda aux Américains à condition que sa responsabilité dans les attentats soit prouvée. Les dés sont jetés, l’intervention inéluctable.
Une intervention qui soulève des questions
Pour légitimer leur intervention sur le sol afghan, qualifiée de « guerre contre le terrorisme », les États-Unis ont besoin du soutien de la communauté internationale. Lors de leur rencontre du 18 septembre, Jacques Chirac assure à Georges W. Bush que l’armée française se tiendra aux côtés des soldats américains. Mais, plus encore que le soutien de ses alliés, c’est d’un cadre juridique dont ont besoin les Américains pour lancer cette opération d’un genre nouveau, puisqu’il s’agit ici de s’attaquer à un groupe armé non étatique et non à un État, comme le supposent les conflits conventionnels.
Le Conseil de sécurité des Nations unies adopte plusieurs résolutions au mois de septembre, offrant ainsi un cadre légal à l’intervention voulue par les États-Unis. Les résolutions 1368 et 1373 rappellent le droit à la légitime défense et autorise le recours à la violence pour prévenir toute menace terroriste. Grâce à cet arsenal juridique, le gouvernement américain a désormais toutes les cartes en main pour mettre son plan à exécution.
L’opération américaine « Liberté immuable » (Enduring Freedom) est lancée le 7 octobre 2001 avec pour principaux objectifs de capturer Oussama Ben Laden, de détruire Al-Qaïda et de renverser les talibans. Plusieurs pays y participent, dont le Royaume-Uni et la France, prêtant main forte à l’Alliance du Nord, groupe armé musulman opposé aux talibans. La participation française prend le nom d’opération Héraclès, d’après le nom grec d’Hercule, héros de la mythologie célèbre pour avoir accompli les douze travaux. Les Alliés ne le savent pas encore, mais ce sont des « travaux » bien longs qui les attendent.
La France déploie des forces maritimes et aériennes dès les premières semaines de l’opération avant d’envoyer des troupes au sol. Les Français participeront également à la Force internationale d’assistance et de sécurité (FIAS), créée le 20 décembre par l’Organisation des Nations unies (ONU) et placée sous l’égide de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). C’est au sein de cette coalition que se déroulera l’opération française Pamir.
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Mazâr-e Charîf, une ville meurtrie
Un contingent français composé de 220 hommes appartenant à différentes unités (21e régiment d'infanterie de marine de Fréjus, 6e régiment étranger du génie, 14e antenne chirurgicale parachutiste de Toulon, commissariat de l’armée de Terre…) est déployé mi-novembre à Mazâr-e Charîf. 130 000 habitants habitent dans cette ville située au nord de l'Afghanistan, où cohabitent différentes ethnies afghanes (Pachtounes, Tadjiks, Hazaras). Lorsque les premiers soldats français foulent le sol afghan, Kaboul a déjà été libérée par la coalition internationale, qui a mis en déroute les talibans – mais la guerre est loin d’être terminée. Les principales missions du contingent français sont la protection et la dépollution de l'aéroport, afin de permettre aux avions militaires et civils des organisations non gouvernementales (ONG) de se poser.
L’armée française découvre une ville meurtrie par vingt ans de guerres et de chaos politique. Obligés de fuir à cause du conflit, d’innombrables Afghans s’entassent dans un camp de réfugiés, dormant dans des tentes de fortune avec pour seules ressources les vivres et les médicaments que distribuent des organisations humanitaires. Comme de nombreuses villes afghanes, Mazâr-e Charîf n’a cessé de passer d’un camp politique à l’autre au gré des conflits. Elle servit de poste de commandement à l’armée soviétique pendant la guerre d’Afghanistan (1979-1989) – conflit qui opposa l’Union islamique des Moudjahidines d'Afghanistan, soutenue par les Américains, à l’Union soviétique. Les talibans s’emparèrent de la ville avec violence en 1997, faisant plusieurs milliers de victimes présumées.
Présente de 1979 à 1989 sur le sol afghan, l’armée soviétique laissa de nombreuses munitions et armes dans la ville et ses alentours lors de son retrait. Des panneaux écrits en arabe informent la population des dangers liés à ces armes pour prévenir les accidents. Sur les routes gisent encore les carcasses de chars abandonnés dix ans plus tôt par l’armée soviétique. Pour sécuriser les lieux, des militaires français appartenant à différents éléments opérationnels de déminage et de dépollution (EOD) sont mobilisés, aidés par des soldats américains. Ces opérations de déminage donnent lieu à des scènes très impressionnantes, comme le montrent les images prises sur place.
Un joyau du patrimoine afghan
Outre le spectacle désolant de la misère, les soldats présents à Mazâr-e Charîf découvrent également des paysages à couper le souffle ainsi qu’un patrimoine culturel riche. Située dans la vallée encaissée de l'Amou Daria, la ville de Mazâr-e Charîf est entourée de plaines verdoyantes et de montagnes enneigées aux périodes les plus froides de l’année. Le temps semble s’être arrêté sur ces terres où l’on croise des femmes ramassant du coton à la main, des paysans guidant leur charrue tractée par des bœufs ou encore des joueurs de bouzkachi, sport national afghan consistant à attraper la carcasse décapitée d’une chèvre, d’un mouton ou d’un veau.
Mazâr-e Charîf est célèbre dans toute l’Afghanistan pour le Rawze-i-Sharif (« Le Tombeau du Saint »), plus connu sous le nom de Mosquée bleue. Ce bâtiment recouvert de tuiles azur abrite la sépulture supposée du gendre du prophète Mahomet, Ali ibn Abi Talib, quatrième calife de l’islam que les chiites considèrent comme le premier imam. La mosquée a vraisemblablement été construite au XVe siècle, mais certaines légendes afghanes attestent de l’existence d’un bâtiment à cet emplacement dès le XIIe siècle. Elle est un haut-lieu de pèlerinage pour les musulmans de la région.
Les alentours de la ville sont protégés par la citadelle de Quala i Jangi, construite par les Afghans à la fin du XIXe siècle pour se défendre contre l’empire britannique. La citadelle fut le théâtre d’une violente révolte de prisonniers talibans à la fin du mois de décembre 2001. Sur les quelques huit milles talibans faits prisonniers à Kunduz le 20 novembre 2001, près de cinq cents furent conduits à Quala i Jangi. Seule une petite partie d’entre-eux survit à la mutinerie qui éclata entre le 25 novembre et le 1er décembre.
Pour aller plus loin
Découvrez sur le site de l'ECPAD toutes les photos de l'opération Héraclès.
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