La bataille de Diên Biên Phu en images
À l’occasion du 70e anniversaire de la bataille de Diên Biên Phu, l’ECPAD vous propose de (re)découvrir les images marquantes de cette « glorieuse défaite ». Plongez au cœur des archives de l'armée française, célèbres ou inédites, à travers l’ouvrage La bataille de Diên Biên Phu et différents contenus numériques.
70 ans après la bataille qui mit fin à la guerre d’Indochine, la mémoire des soldats du Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient (CEFEO) continue de vivre grâce aux images laissées par les opérateurs de prise de vues du Service presse information (SPI). L’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (ECPAD) conserve dans son fonds indochinois quelques 2 500 clichés et vingt-cinq bobines de rushes réalisés à Diên Biên Phu par ces photographes et caméramans. Ce fonds comprend également quatorze films montés par le Service cinématographique des armées (SCA), cinq films tournés par des amateurs et six autres réalisés par le Service cinématographique de l’armée populaire du Vietnam.
Se relayant durant plusieurs mois à Diên Biên Phu, les opérateurs du SPI ont couvert les principaux événements qui se déroulèrent entre l’opération Castor en novembre 1953 et la libération des prisonniers français à la fin de l’été 1954. Leurs images nous renseignent sur de nombreux aspects du conflit (la construction du camp fortifié, les opérations de reconnaissance menées dans la jungle, l’épreuve du feu, la vie dans les tranchées, l’évacuation des blessés…), tout en s’attardant parfois sur la beauté des paysages environnants et le quotidien des populations thaïes.
Un déluge de parachutes dans le ciel du Tonkin
Le 6e BPC (bataillon de parachutistes coloniaux) est parachuté en renfort au dessus de la DZ (dropping zone) du centre de résistance Isabelle, au sud du camp retranché de Diên Biên Phu.
Date : 17/03/1954 Référence : NVN 54-40 R11
En octobre 1953, près de huit ans après le début officiel du conflit, le général Giap, chef des forces armées du Vietminh, décide d’envoyer des troupes au sud du Tonkin, non loin de la frontière nord du protectorat français du Laos. Afin de les arrêter, le général Navarre, commandant en chef des forces françaises en Indochine, lance l’opération Castor, la plus grande manœuvre aéroportée de la guerre d’Indochine.
Du 20 au 22 novembre 1953, 4 500 soldats sautent sur Diên Biên Phu pour prendre position dans la plaine, située à quelques kilomètres du Laos. Ils y installent un camp retranché composé d’un poste principal et de points d’appui répartis dans la zone. Contraints par le relief escarpé de la région et la présence des troupes vietminh dans les alentours, l’armée française ne peut compter que sur la voie aérienne pour ravitailler ses troupes en vivres et en matériel.
Construites principalement avec des sacs de sable et des plaques de tôle, les installations françaises sont extrêmement précaires. Sous-estimant largement les moyens du Vietminh, le commandement français n’a en effet pas jugé nécessaire de faire construire des ouvrages en béton pour renforcer les abris et protéger les canons. Cette erreur stratégique sera lourde de conséquences durant la bataille.
Le Corps expéditionnaire français pris au piège
Des soldats de la colonne Godard font une pause au milieu de la brousse lors de l'opération Condor.
Date : 10/05/1954 Référence : NVN 54-65 R9
Souhaitant gagner du terrain pour peser dans les futures négociations, prévues pour le printemps 1954, le général Giap lance une attaque dans la plaine de Diên Biên Phu le 13 mars 1954. Encerclées par l’ennemi, les troupes françaises se retrouvent prises au piège. Acculés par la puissance de l’artillerie vietminh, inférieurs numériquement (51 000 contre 11 000) et manquant durement d’infrastructures solides et de matériel, les hommes du corps expéditionnaire tentent de résister – en vain.
Ni les contre-attaques lancées par le colonel de Castries, ni le largage en renfort de bataillons de parachutistes coloniaux et vietnamiens ne permettent de contrer l’ennemi. Malgré le courage des troupes, les attaques vietminh font tomber les points d’appui français les uns après les autres. L’intense pilonnage du camp par l’artillerie vietminh rend particulièrement compliqués le ravitaillement et l’évacuation des blessés.
Le 1er mai, le général Giap lance l’offensive finale. À bout de force et isolées, les troupes françaises ne peuvent plus rien faire pour inverser la situation. Le 7 mai, le dernier point d’appui tombe aux mains de l’ennemi. Après 57 jours de combat, le camp retranché dépose les armes le 7 mai 1954 à 17 h 30. Plus de 10 000 combattants sont faits prisonniers. Seule une partie d’entre eux survivra au traitement infligé par le Vietminh. Les historiens n’ont pas encore fait la lumière sur le sort des soldats indochinois faits prisonniers.
Au total, 15 000 hommes du corps expéditionnaire français ont participé à la défense du camp de Diên Biên Phu. Les pertes sont élevées : plus de 4 000 tués et disparus et 5 000 blessés (dont 3 500 ont pu être opérés au sein du camp). Du côté du Vietminh, où le nombre d’engagés s’élèvent à environ 55 000, les pertes sont estimées deux fois plus élevées par le commandement français.
Professionnels de l’audiovisuel ou amateurs, militaires de formation… Qui étaient les soldats de l’image qui ont risqué leur vie pour photographier et filmer la bataille de Diên Biên Phu ?
Des images exceptionnelles prises au péril de la vie des opérateurs
Le photographe du Service presse information (SPI) Jean Péraud, avec son appareil photographique Leica, dans une tranchée d'Isabelle à Diên Bien Phu.
Date : 18/03/1954 Référence : NVN 54-41 R45bis
Un sentiment d’urgence se dégage des photographies prises durant la bataille. Les photographes Jean Péraud et Daniel Camus, dont les noms sont souvent associés tant il est difficile de distinguer leurs productions respectives, prennent leurs images sur le vif, capturant l’intensité du moment avec une sensibilité remarquable.
Les opérateurs attachent une attention toute particulière à leurs frères d’arme, dont ils partagent le quotidien difficile, témoignant de leur courage, leurs moments de répit et leur souffrance, jusqu’à leur dernier souffle parfois. Leurs images tendent tantôt à héroïser ces hommes plongés corps et âme dans un combat dont l’issue paraît inéluctable, tantôt à les humaniser en montrant leur détresse et leur souffrance. Toute la dureté des combats transparaît dans leurs portraits profondément intimes de soldats exténués, préoccupés, blessés et agonisants.
Les hommes du SPI ne furent eux-mêmes pas épargnés par le conflit. Certains furent gravement blessés, comme André Lebon, qui perdit une jambe lors de la première offensive du Vietminh. Daniel Camus et Pierre Schoendoerffer furent faits prisonniers à la chute du camp et restèrent en captivité pendant plusieurs mois. Raymond Martinoff perdit la vie en sautant sur une mine au début de la bataille. Jean Péraud, quant à lui, disparut dans la jungle après s’être échappé d’un camion le conduisant en camp de prisonnier.
Un lieutenant de la Légion étrangère blessé pendant la bataille observe l'entrée d'un point d'appui (PA) les effets des tirs dirigés contre le Viêt-minh.
Date : 14/03/1954 Référence : NVN 54-40 R73
Des pellicules à jamais disparues
Malheureusement, les images conservées à l’ECPAD n’offrent qu’une vision incomplète du conflit. À partir du 27 mars 1954, l’intense pilonnage de l’artillerie vietminh, les mauvaises conditions climatiques et l’état désastreux de la piste d’aviation empêchent tout avion français d’atterrir. Le camp retranché se retrouvant isolé de la base d’Hanoï, les opérateurs ne peuvent plus envoyer leurs images, ni recevoir de matériel pour en tourner de nouvelles.
Aucune des images tournées durant les dernières semaines de combat ne nous sont parvenues. Une grande partie est détruite par les opérateurs eux-mêmes à la chute du camp afin qu’elles ne tombent pas dans les mains de l’ennemi. Dissimulées, les quelques pellicules restantes sont toutes confisquées puis détruites par le Vietminh. Les seules images françaises disponibles qui témoignent de la fin de la bataille ont été réalisées en dehors du camp retranché, notamment lors de l’opération Condor (25 avril – 10 mai 1954) visant à porter secours aux assiégés.
Vous souhaitez en savoir plus sur Diên Bien Phu ?
Découvrez l'ouvrage inédit publié à l'occasion du 70e anniversaire de la bataille !
Vous y trouverez :
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- - 165 photos, célèbres ou inédites, prises au coeur de la bataille ;
- - une introduction rédigée par l'historien Pierre Journoud retraçant les étapes du dernier affrontement majeur de la guerre d'Indochine ;
- - un texte de Marina Berthier, responsable du fonds Indochine à l'ECPAD, consacré aux photographes et caméramans de l'armée française qui ont documenté la bataille.