Libération de Strasbourg :
Leclerc accomplit le serment de Koufra
23 novembre 1944 : appuyée par les armées américaines et britanniques, la 2e division blindée (2e DB) libère Strasbourg, annexée depuis 1940 par l’Allemagne nazie. Retour sur une victoire hautement symbolique qui marqua l’accomplissement du serment de Koufra, prêté trois ans plus tôt par le général Leclerc.
Les Alliés aux portes de l’Alsace
Quelques mois après le débarquement des troupes alliées en Normandie (6 juin 1944) et en Provence (15 août 1944), l’étau se resserre autour de l’occupant nazi. Une grande partie du territoire nationale a déjà été libérée lorsque les soldats français, américains et britanniques atteignent le Nord-Est de la France au tout début de l’automne 1944. Leur objectif : refouler l’occupant allemand et libérer l’Alsace et la Moselle, annexées après l’armistice du 22 juin 1940, vingt-deux ans après avoir été réintégrées au territoire français à l’issue de la Grande Guerre.
L’offensive est lancée le 13 novembre 1944. Les troupes alliées doivent franchir deux lignes de résistance allemandes construites dans les Vosges : la Vor-Vogesenstellung (ligne fortifiée pré-vosgienne) et la Vogesenstellung (ligne fortifiée des Vosges). Les troupes progressent rapidement : elles entrent dans Belfort le 20 novembre, dans Mulhouse le 21 novembre et dans Metz le 22 novembre.
Chaque village, chaque ville libérée rapproche un peu plus les troupes de leur but : libérer Strasbourg. Mais les Allemands n’ont pas l’intention de laisser tomber la capitale alsacienne aux mains des Alliés si facilement. De nombreux civils ont été contraints de participer à des travaux défensifs entamés dès le mois de septembre pour assurer la protection de la ville. Les adolescents âgés de quatorze à seize ans sont même réquisitionnés pour creuser des tranchées et des abris tandis que sont modernisés certains forts entourant la ville.
La 2e DB entre dans Strasbourg
Commandés par le général Leclerc, les soldats français pénètrent dans Strasbourg le 23 novembre 1944. Conscients du poids symbolique de l’opération, les Américains les laissent entrer en premiers dans la ville, comme ils l’avaient fait à Paris. Malgré l’ordre donné la veille aux réfugiés allemands et aux familles des collaborateurs de quitter Strasbourg, c’est une ville plutôt animée que découvre la 2e division blindée, où la circulation des voitures allemandes et du tramway se poursuit avec une forme d’insouciance surprenante.
« Tissu est dans Iode. » C’est avec ce message codé, diffusé à la radio aux troupes alliées, qu’est annoncée l’entrée de la 2e DB dans Strasbourg – « Tissu » désignant les chars du lieutenant-colonel Rouvillois et « Iode » la ville de Strasbourg. Les soldats découvrent une ville défigurée par les bombardements aériens menés quelques mois auparavant par les Américains. Particulièrement meurtriers, ceux du 11 août et du 25 septembre 1944 ont considérablement endommagé la ville, touchant même la cathédrale construite au Moyen-Âge.
Malgré la résistance des soldats allemands, dont 5 000 sont faits prisonniers, les quartiers de la ville tombent un à un aux mains des Alliés. De nombreux prisonniers français, ukrainiens et polonais requis par les autorités occupantes sont libérés par les forces alliées. Replié dans le fort Ney, le général allemand von Vatterodt adresse sa reddition le 25 novembre 1944, deux jours seulement après l’entrée des troupes alliées dans Strasbourg. Mais les troupes de Leclerc n’ont pas attendu que les Allemands se rendent pour crier victoire. Le 23 novembre en début d’après-midi est hissé sur la cathédrale de Strasbourg un drapeau français confectionné avec les moyens du bord par l’épouse d’un boucher, à partir d’un drap blanc partiellement teint en bleu et d’un bout de drapeau rouge… nazi.
Une victoire rapide mais fragile
Craignant les combats, de nombreux civils quittent la ville à l’arrivée des troupes françaises. Ceux qui sont restés dans Strasbourg réservent néanmoins un accueil triomphal à leurs libérateurs. Salutations, accolades ou embrassades, les signes de fraternisation entre soldats et population affleurent dans toute la capitale alsacienne. Curieux, des enfants jouent avec des mitrailleuses abandonnées par les troupes allemandes.
Renommée « Karl-Roos-Platz » par les Allemands en 1940 en hommage à Charles Roos, autonomiste alsacien fusillé le 7 février 1940 pour avoir livré des informations militaires à l’ennemi, la place Kléber retrouve son ancien nom et accueille un grand rassemblement auquel participe le général Leclerc. Libérés par les Alliés, les Alsaciens célèbrent le départ de l’occupant allemand. Enfin, presque…
Des poches de résistance persistent dans la ville malgré les manifestations de joie qui éclatent dans Strasbourg, quelques échanges de tirs venant même se mêler aux éclat de rire qui résonnent dans les rues. Plus grave encore, la capitale alsacienne reste menacée par l’ennemi, qui l’encercle toujours. Les Allemands lancent une contre-offensive, intitulée opération « Nordwind », pour reprendre le contrôle de la ville le 31 décembre 1944. Ils sont repoussés le 5 janvier 1945 mais continuent de tirer sur la ville avec leurs canons pendant plusieurs mois encore.
Une libération hautement symbolique
La libération de Strasbourg marque un nouveau tournant dans la campagne d’Alsace. Elle constitue d’abord une victoire pour la France tout entière. « Province perdue » avec la Lorraine lors de la défaite de 1871 contre les Prussiens, l’Alsace avait réintégré le territoire national à l’issue de la Première Guerre mondiale. Son annexion par le IIIe Reich en 1940, ainsi que celle de la Moselle, fut vécue comme un nouveau déchirement par les populations locales. Grâce aux troupes alliées, l’Alsace retrouve à la fin de l’année 1944 sa place au cœur de la nation française. Définitivement cette fois-ci.
Importante victoire militaire, la libération de Strasbourg constitue également une victoire personnelle pour le général Leclerc et ses hommes, aboutissement du serment de Koufra tenu le 2 mars 1941. Galvanisé par la victoire qu’il venait de remporter contre l’armée italienne dans le désert libyen, le général Leclerc – qu’on appelait encore le colonel Philippe de Hauteclocque à l’époque – s’était promis et avait fait promettre à ses hommes de libérer la ville de Strasbourg : « Jurez de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront à nouveau sur la cathédrale de Strasbourg. »
Une fois la 2e DB entrée dans Strasbourg, Leclerc fait placarder dans la ville des affiches afin de rendre hommage aux soldats qui ont libéré la ville, tenant ainsi le serment prêté à Koufra : « Habitants de Strasbourg, la France et ses alliés ne recommenceront pas la faute d'hier, l'envahisseur ne reviendra pas ». Le général Leclerc a tenu sa promesse : malgré une ultime tentative début janvier 1945, l’envahisseur n’est jamais revenu dans la ville.
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