Centre d’essais des Landes (CEL) de Biscarosse : soixante ans de savoir-faire balistique

Créé en 1962 pour poursuivre les essais menés sur les bases militaires françaises d’Algérie, le Centre d’essais des Landes (CEL) de Biscarosse est devenu en soixante ans d’existence un maillon majeur du programme militaire français où sont testés les missiles dernier cri.


La France contrainte de délocaliser ses expérimentations

Arrivée à ln Amguel (centre d’expérimentations militaires des Oasis). [légende d'origine]
  • Arrivée à ln Amguel (centre d’expérimentations militaires des Oasis). [légende d'origine]
  • Date de fin : 1963-06-30
  • Lieu(x) :
  • Auteur(s) : Roelly Jean-Paul
  • Origine : Roelly, Jean-Paul
  • Référence : D0379-002-001-0079
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Note : les légendes d'origine en titre ont été mise à jour suite à une demande de l'auteur en 2021.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’armée française, qui souhaite développer son arsenal militaire, décide de tirer pleinement parti de l’immensité du territoire algérien, sur lequel elle est implantée depuis 1830. Plusieurs sites militaires sont créés dans le désert afin de réaliser différentes sortes d’essais et d’expérimentations : les Centres interarmées d'essais d'engins spéciaux (CIEES) de Colomb-Béchar et d’Hammaguir en 1947 et 1948, puis les sites d’essais nucléaires de Reggane et d’In Ekker au début des années 1960.


Mais les Accords d’Évian, signés le 18 mars 1962 par les représentants du gouvernement français et du gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), sonnent la fin des expérimentations françaises dans le Sahara. L’armée française peut continuer d’utiliser ses bases militaires jusqu’en 1967, date à laquelle elle devra quitter le territoire algérien. Cette clause est très contraignante pour l’armée, qui avait fait de l’Algérie le lieu privilégié de ses essais balistiques, spatiaux et atomiques.


Anticipant la fermeture de leurs bases militaires dans le Sahara, les autorités militaires françaises se lancent à la recherche de nouveaux sites pour poursuivre leurs expérimentations. Pour certains domaines requérant des conditions particulières, l’armée est obligée de s’installer à l’autre bout du monde. Les lancements de fusées seront effectués à Kourou en Guyane française à partir de 1964, tandis que les essais nucléaires auront lieu en Polynésie française à partir de 1966. Reste à trouver un lieu pour tester les missiles.


Biscarosse, un choix stratégique

CEL à Biscarosse  CEL de Biscarosse
Vue du site du CEL à Biscarosse en 1965 (Extraits de la vidéo ACT 6550 )

Pour éviter les complexités logistiques engendrées par l’installation de bases de l’autre côté du globe, la France souhaite tester ses missiles en métropole. Elle finit par jeter son dévolu sur Biscarosse, une petite commune littorale des Landes située à une quarantaine de kilomètres au Sud d’Arcachon. La création du Centre d’essais des Landes (CEL) de Biscarosse est entérinée par Pierre Mesmer, ministre des Armées, le 4 juillet 1962, la veille de la proclamation de l’indépendance de l’Algérie.


Village reposant essentiellement sur la sylviculture et l’élevage jusqu’à la fin du XIXe siècle, Biscarosse devient la capitale française de l’hydraviation dans les années 1930 grâce à l’ingénieur et industriel toulousain Pierre-Georges Latécoère. Ce dernier décide d’y installer des ateliers de montage d’hydravions ainsi qu’une base aéronautique, depuis laquelle de célèbres aviateurs décolleront, dont Antoine de Saint-Exupéry et Jean Mermoz. La base Latécoère, d’où partent plusieurs lignes de la compagnie Air France, joue un rôle de premier plan dans le développement du transport de courrier international en hydravion. Le début de la Seconde Guerre mondiale vient interrompre cette aventure, mettant ainsi fin à l’âge d’or de l’hydravion.


Le site de Biscarosse présente de nombreux avantages, géographiques et logistiques, pour le nouveau CEL. Situé dans une zone relativement éloignée des habitations, bordé par les massifs forestiers d’un côté et par l’océan Atlantique de l’autre, le terrain de 15 000 hectares permet de réaliser des tirs sur des portées pouvant aller jusqu’à plusieurs milliers de kilomètres.


Le centre bénéficie également de la proximité d’acteurs étatiques et industriels clés du secteur, parmi lesquels le Camp FTA (Forces terrestres antiaériennes) de Naouas, les fabricants de systèmes de propulsion pour missiles ArianeGroup et Roxel, tous deux installés à Saint-Médard, ainsi que le Centre d'études scientifiques et techniques d'Aquitaine installé au Barp, placé sous la tutelle du Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Le centre d’essais en vol de Cazaux fournit quant à lui les supports aériens indispensables aux expérimentations militaires que doivent accueillir le CEL.


Essai de missile au CEL de Biscarosse   Essai d'un misile au CEL de Biscarosse
Préparation d'un tir de missile au CEL de Biscarosse © ECPAD (Extraits de la vidéo ACT 6550)

Des installations uniques en Europe


La base de Biscarosse est aménagée à partir de 1962 afin de pouvoir débuter les essais le plus tôt possible. Fondée en 1959 et basée à Saint-Aubin-de-Médoc (Gironde), la Société d'étude et de réalisation d'engins balistiques (SEREB) est chargée de concevoir la base de lancements balistiques qui permettra de préparer et d’effectuer les essais dans toutes sortes de milieux (aérien, terrestre, marin et sous-marin), notamment avec des missiles sol-sol balistiques stratégiques (SSBS) et les missiles mer-sol balistiques stratégiques (MSBS). Le premier essai de missile tactique a lieu en mars 1964. Six décennies plus tard, 9 000 essais ont été réalisés sur le site de Biscarosse.


La création du centre d’essais représente une formidable opportunité pour Biscarosse et ses alentours, l’activité locale bénéficiant amplement des activités militaires. De nombreux employés du centre viennent rapidement s’installer dans la commune, provoquant une importante croissance démographique. La population de Biscarosse double en seulement six ans, passant de 3 000 habitants en 1962 à plus de 7 000 en 1968. Le phénomène est tel que l’on crée dans la commune dès 1964 une zone à urbaniser en priorité (ZUP) afin d’accueillir le personnel du centre.


Le centre est devenu au fil des années un site majeur pour l’expérimentation de missiles et autres systèmes d’armes en France. Afin de mettre en commun les compétences des meilleurs experts dans le domaine balistique, le CEL a fusionné en 2005 avec le Centre d’essais de Méditerranée, installé près de Toulon dans le Var, donnant ainsi naissance au Centre d’essais des Landes Méditerranée (CELM). Complété par un troisième site en Gironde, le CELM fait partie depuis le 1er janvier 2010 de la DGA (Direction générale de l’armement) Essais de missile. Cette nouvelle entité à la pointe de la recherche offre des installations uniques en Europe, contribuant ainsi à la préparation opérationnelle des armées françaises.


Essai d'un missile au CEL de Biscarosse  Essai d'un missile au CEL de Biscarosse
Tir de missile au CEL de Biscarosse © ECPAD (Extraits de la vidéo ACT 6550)

Maxime Grandgeorge

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